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Briser la glace

Dernière mise à jour : 18 févr. 2019

PÉRIODE DE GEL


Durant les deux premières semaines de mon échange, je n’ai pas adressé la parole aux gens dans ma classe. J’étais beaucoup trop stressée. Certaines personnes ont essayé de me parler, mais chaque fois que quelqu’un faisait une tentative, ça se voyait dans mes yeux que je paniquais.

Les élèves ont donc déduit que le mieux était d’attendre que je me sente assez à l’aise de faire les premiers pas. Le problème, c’est que quand je les ai finalement trouvés un peu moins intimidants, j’avais besoin qu’ils viennent me parler en premier.

Je n’étais pas capable de guider moi-même une conversation et mon corps avait cette étrange manie de se plonger inconsciemment dans la lune chaque fois que j’aurais pu dire quelque chose dans une conversation de groupe. C’était ma façon de repousser le moment de leur parler sans me sentir trop coupable.


L’autre québécoise qui faisait un échange dans ma classe et moi nous donnions souvent des défis. Nous voulions toutes les deux briser la glace sans jamais trouver le courage de le faire.

Nous avions 4 heures de temps libre au local informatique par semaine et durant ces moments-là, nous allions sur des sites pour pratiquer notre espagnol et rire de notre incapacité à prononcer certains mots.

Nous discutions aussi de nos difficultés et du défi que nous voulions nous donner pour la journée. Malheureusement, en voyant qu’une des deux ne prenait pas l’initiative de réaliser son défi, l’autre ne le faisait pas non plus. Malgré notre volonté, nous n’avons donc pas réussi à changer quoi que ce soit.

Comme quoi ce ne sont pas toutes les tentatives qui aboutissent au succès.

Je voulais vraiment réussir à leur parler, mais pour ça, je devais comprendre leur charabia. J’ai donc passé énormément de temps en classe à écouter les profs, lire en espagnol et faire du travail personnel. J’avais souvent avec moi mon dictionnaire français-espagnol et mon dictionnaire de conjugaison. Grâce à ça, j’ai pu remplir un cahier Canada au complet de définitions de mots, de tentatives de phrases et de conjugaison de verbes. Ce n’est pas nécessaire de faire tout ça.

Beaucoup de correspondants québécois dont j’ai entendu les récits ont pu apprendre simplement en écoutant et en participant à la vie espagnole.

Personnellement, je suis très perfectionniste et très visuelle. Ça m’a donc beaucoup aidé.

Le montant de phrases en espagnol qui passaient dans ma tête et que je ne disais pas est fulgurant. Je choisissais toujours avec soin ce que je voulais dire, car j’avais énormément peur d’être incomprise et de devoir répéter.

En fait, chaque fois que j’hésitais à parler, c’était à cause de cette peur-là : devoir répéter.

Être prise par surprise et devoir trouver une nouvelle façon de dire ce que je veux dire en peu de temps alors que ça fait déjà quinze minutes que je planifie ma première phrase! Aussi, je me sentais ridicule de faire des erreurs en espagnol alors que je pouvais être comprise en anglais. À cause de ça, je sautais à l’anglais très rapidement au début de mon échange. Quand je l’ai réalisé, j’ai décidé de limiter énormément mon usage de l’anglais. Puisque je n’étais pas plus capable de parler espagnol, je me suis mise à parler beaucoup moins et ça a intrigué plusieurs personnes. J’ai dû les rassurer en leur disant que j’allais bien.

Ce qui est vrai. J’allais très bien.

J’étais dans un nouveau pays, je rencontrais des gens merveilleux que j’apprenais à connaître même si de leur côté ce n’était pas réciproque, je visitais des villes avec ma famille, je découvrais leurs meilleures recettes, leurs activités préférées, je riais beaucoup et je m’entendais très bien avec ma correspondante.

Mon cerveau bouillonnait de toutes ces pensées, que j’essayais de formuler en espagnol dans ma tête jusqu’au moment où j’allais assumer de les dire à voix haute.


 

DÉGEL

Il y a eu un moment merveilleux qui a tout changé : l’arrivée des Français!

Depuis deux semaines, nous étions deux Québécoises dans la classe et le lundi d’après, trois Français sont aussi arrivés. Je n’ai jamais trouvé ça difficile d’accueillir des nouveaux dans un milieu dans lequel je me sentais confortable.

Je suis donc allée les voir, me suis présentée et j'ai fait semblant que je savais à 100 % ce que je faisais dans cet univers où je ne maîtrisais rien.

Durant la pause de 30 minutes dans la cour que nous avions vers midi, plusieurs Espagnols se sont mis à nous entourer et à nous poser des questions. Comme vous l’avez probablement remarqué, quand il y a des nouveaux dans une classe, il y a toujours une petite période de temps où ceux qui accueillent ont une attitude super curieuse, accueillante et ouverte. Ils veulent apprendre à te connaître. Karen et moi, qui nous étions rapidement isolées, n’avions pas su en profiter à notre arrivée, mais là, j’ai saisi ma chance.


J’avais déjà la confiance d’avoir une petite longueur sur les Français et je n’avais plus l’air aussi apeurée, alors que je me suis rapidement intégrée au groupe des nouveaux et je suis retournée dans le centre d’intérêt des Espagnols.


Avec la posture de mon corps et l’expression de mon visage, j’ai été capable de leur montrer que je voulais que ça débloque et c’est ce qui est arrivé, lentement mais sûrement.

J’ai aussi commencé à parler avec les personnes proches de moi en classe.

Avant, j’étais dans la première rangée, entre Karen (l’autre correspondante québécoise) et Vega, deux personnes avec qui j’avais le réflexe de parler en français. Vega, ma correspondante, en a déjà un très bon niveau. À la fin de la deuxième semaine, j’ai demandé à ma correspondante si je pouvais changer de place. Comme ça, même des questions aussi simples que « qué hora es? » allaient être demandées en espagnol au lieu d’en français. J’ai donc été déplacée en plein dans un endroit où j’allais être entourée de ceux avec qui j’étais la plus gênée : ses amis. Heureusement, ça s’est bien passé.

Les amis de ma correspondante étaient ceux que je trouvais les plus intimidants, même si je les ai adorés dès le jour 1.

Ce sont les gars et les filles les plus confiants, chaleureux et drôles de la classe et je ne me sentais pas à la hauteur. Je voulais commencer par communiquer avec des élèves moins proches d'elle, car en leur compagnie, je me mettais moins de pression.


C’est quelque chose que je vous conseille de faire si vous vivez les mêmes doutes que moi. En fin de compte, je n’ai pas eu besoin de passer par là pour me sentir à l’aise avec eux, mais il s’en ai fallu de peu!


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